dimanche 27 janvier 2013

Tiens des tankers US... mais où sont les Européens ?

Ca y est, c'est sûr, après quinze jours de palabres, des tankers américains vont rejoindre l'opération Serval (attendons quand même pour être sûrs...). C'est que le Rafale et le Mirage 2000D, pour venir de N'DJamena, et en revenir, après avoir assuré la destruction des cibles fixes, ou des créneaux d'appui-feu ou CAS (1), nécessitent plusieurs ravitaillements en vol. Quand vous multipliez ces sorties, comme c'est le cas depuis ces dernières heures, vous avez donc besoin d'encore plus de tankers. Et encore plus si vous rajoutez deux Rafale de plus. Mécaniquement, avec 12 chasseurs, la France est donc aux limites de ce qu'elle est en mesure de ravitailler seule (grosse victoire...). Tout simplement parce qu'elle n'est pas capable, dans la durée, d'en ravitailler elle-même plus.
Car je le répète sur ce blog, la ressource des tankers reste fragile (du fait de leur âge, 49 ans et non 40 comme je l'ai indiqué initialement), et le nombre d'avions disponibles reste totalement aléatoire (là encore du fait de l'âge, qui génère des pannes totalement aléatoires).
Donc c'est vrai, l'aveu est cruel, en l'état actuel de la flotte, la France a perdu la capacité à soutenir dans la durée une crise qui nécessite des ravitailleurs. On ne parle pourtant que de trente sorties par tranches de 36 heures (le surge annoncé hier), ce n'est donc pas non plus la guerre aérienne du siècle.
Depuis 2007, ce dossier évidemment stratégique a été sciemment retardé. Plusieurs mauvaises langues m'avaient expliqué en leur temps que c'était pour faire la peau à la composante aérienne de la dissuasion (la première mission des tankers). C'est qu'alors ces meurtriers n'avaient rien compris aux opérations aériennes modernes, dans lequel le tanker est encore plus important que le chasseur lui-même. "No gas, no war" proclame le patch porté par certains aviateurs, c'est pourtant facile à comprendre.
Il y a encore quelques semaines, on considérait à Paris comme une énorme victoire le fait d'avoir européanisé le sujet des MRTT. D'un point de vue industriel, il n'y a pas de doute. Mais aucunement d'un point de vue opérationnel, car dans bien des zones du monde, l'Europe n'a que faire des interventions de la France. Il suffit de voir Serval, dans laquelle aucune capacité européenne de ravitaillement n'a pris part, malgré l'absence de risque direct (2) : où sont les tankers italiens, néerlandais, britanniques, espagnol, dans cette crise ? Le fait, demain, d'avoir un tanker identique ne veut pas dire que les exploitants viendront s'engager à nos côtés.
J'ai même lu une dépêche d'agence de presse qui disait que Paris était fort marri de ne pas se voir plus soutenu par Washington. Mais comment s'en étonner, après un départ anticipé d'Afghanistan ?
Et que la nouvelle administration a préféré privilégier la dimension européenne de la Défense ? 

(1) la presse américaine le confirme : "U.S. officials believe the French also want to keep their strike planes circling high above Mali as they wait for opportunistic targets".
(2) pendant Harmattan, les tankers du Bretagne sont allés ravitailler au-dessus du territoire libyen, en toute prise de risque. Dans Serval, on peut ravitailler dans un espace aérien sans risque.

(Rappel : un sondage en ligne dans la colonne ci-contre).