vendredi 14 août 2009

Uzbeen, un an après : l'aérocombat, enfin

Avant le départ de la TF Chimère de Castres, le 20 mai 2008, Jean-Marie Bockel expliqua lors d'une conférence de presse à une question que je lui posai que nos paras pouvaient partir sans hélicoptères en Afghanistan, il y en avait suffisamment sur place, où nous opérions en coalition. Il suffit de relire le post d'hier pour mesurer qu'une coalition ne génère pas toujours les avantages attendus, notamment dans ce secteur-ci.
Quatre mois plus tard, le Premier ministre en personne annonçait d'ailleurs le renfort de deux Gazelle Viviane (portées à trois en décembre) et d'un Caracal, après le débat parlementaire généré par l'embuscade d'Uzbeen. A la fin du printemps 2009, c'est le président en personne qui a pris la décision d'envoyer trois Tigre (arrivés fin juilet), qui seront accompagnés de deux à trois Cougar du 5e RHC en octobre.
Un effort supplémentaire quasi-impossible
On le voit, en quelques mois, les hélicoptères ont pris une dimension qu'ils n'avaient pas jusqu'à maintenant dans les cercles décisionnels. C'est sans doute lié à leur coût intrinsèque, et à celui de leur emploi sur place, mais aussi, dans le cas du Tigre, à leurs capacités de destruction (que n'ont apparemment pas les Caesar, qui n'ont pas suivi un circuit décisionnel aussi complexe).
Il faut mesurer que ces déploiements s'accompagnent d'une véritable ingénierie logistique, pilotée par le CPCO, et exécutée par le centre multimodal des transports (CMT). A lui, par exemple, de trouver les Antonv pour envoyer en Afghanistan les 450 tonnes nécessaires au déploiement des trois Tigre : un travail à plein temps.
Mais même avec 12 hélicoptères engagés en Afghanistan à l'automne (1), on est encore loin de la petite vingtaine qui étaient mobilisés en Côte d'Ivoire sous Licorne (une opération purement nationale), et c'est à peine plus que la dizaine mise en oeuvre sous l'Eufor (une opération européenne dans laquelle la France était nation-cadre).
Mais il sera dificile de faire vraiment plus, particulièrement pour les hélicoptères de manoeuvre (HM). Le problème étant que les appareils pouvant décoller de Kaboul, ou franchir les cimes afghanes ne sont pas non plus légion. Il y a la flotte Caracal avec ses contingences (resco et opérations spéciales) et sa taille (14 appareils), réduite. Avec trois appareils déployés, on est pas loin du potentiel maximum opexable.
Dans l'attente des résultats du Tigre
C'est bien pour cela que l'on fait appel aussi aux Cougar. Eux ils sont plus nombreux, et appartiennent tous au même propriétaire, ce qui rend les choses plus faciles. Mais là aussi la flotte est réduite -23 appareils- et un bon tiers fait partie de la flotte réservée du 4e RHFS. Trois autres, au Gabon, constituent la réserve stratégique pour les coups durs. On le voit, là aussi, la marge de manoeuvre reste réduite.
Pas question d'envisager recourrir au Puma, qui reste la bête de somme de l'ALAT, avec un compte à rebours engagé pour le retrait des plus anciens (2), même si certains Puma, civils, opèrent en Afghanistan.
La problématique des HM reste et restera donc aigûe, même si une petite marge de manoeuvre se dessine pour l'automne. En mettant en vol les cinq à six HM disponibles (s'ils étaient tous en état de vol), on infilterait, selon les températures, les altitudes et la distance à franchir, une section et demi, voire deux. Un seul Chinook engloutit, lui, une section renforcée, même si, le temps de la débarquer ou de la rembarquer, il perd de précieuses minutes. Nos six HM, eux, le font en une poignée de secondes si la LZ est optimale.
On peut dire que la seule marge de progression en Afghanistan est constituée par le Tigre. Trois appareils opéxés, sur 20, c'est encore peu, et cela pourrait, le cas échéant, doubler, si le félin palois s'avère aussi convaincant que ses équipages le présupposent. D'aucuns imaginent même que six Tigre s'avèreraient plus utiles à nos propres forces que le même nombre de chasseurs, basés eux à Kandahar, jugés sans plus-value pour les forces françaises au sol (3).
Un argument qui résonne depuis un an. Je ne le partage pas tel qu'il est posé, mais il est là, et on a déjà vu des arguments plus mal posés devenir des réalités.

(1) Seulement, il faut aussi mesurer qu'avec quatre type d'hélicoptères différents, les flux logistiques, déjà notoirement complexes, vont encore se tendre. De plus, les populations de maintenanciers n'ont rien en commun, d'un appareil à l'autre donc aucune mutualisation n'est possible.
(2) Une quarantaine subsisteront avec une modernisation réduite à sa portion congrue.
(3) Preuve en est que la réduction de moitié du plot kandaharien a été très sérieusement étudiée. Evidemment, on imagine que l'ISAF n'aurait été ravie, pas plus qu'au Centcom, le général David Petraeus.